Interview exclussive avec Diblo Dibala au sujet de la musique africaine et de sa carrière

A l’accoutumée, Sessi Tonoukouin, acteur culturel béninois, et son équipe organisent, de façon annuelle, le festival des Meilleurs Instrumentistes d’Afrique (Mia). L’aspect essentiel de cet événement est l’hommage que les organisateurs rendent aux icônes de la musique africaine. Cet hommage est rendu soit aux meilleurs chanteurs, solistes, batteurs ou chanteurs africains. Pour cette 6ème édition, le festival a rendu un vibrant hommage à deux icônes africaines dont Diblo Dibala, guitariste et chanteur congolais, du groupe “Matchatcha”. Dans cet entretien, il revient sur sa carrière et n’a pas manqué de parler de la nouvelle génération de la musique africaine.

A propos du festival Mia, comment trouvez-vous l’organisation ?

C’est une belle organisation. Rien n’est parfait au monde. Il y a des choses à revoir et corriger, mais dans l’ensemble, tout est bien organisé. Nous avons eu un peu de retard pour jouer. J’apprécie beaucoup l’idée de ce festival. Le fait de penser aux artistes qui sont là et leur donner un prix, les encourager, c’est reconnaître le métier qu’ils sont en train de faire. C’est un honneur pour moi de participer à un tel événement et s’il faut revenir, je n’hésiterai pas.

 

Sur ce même festival, vous avez reçu un vibrant hommage. Quelle appréciation en faites-vous ?

Cela fait des mois que je suis reconnu dans le métier que je fais. Mais ce festival m’a reconnu comme un des meilleurs instrumentistes africains. Cela est un honneur et il n’y a pas pire que lorsque l’on fait quelque chose et personne ne nous reconnaît. C’est aussi la preuve que tous ces temps que j’ai passé dans la musique n’ont pas été vains. Quelque part, ma valeur de musicien est reconnue.

 

Parlant de votre vie d’artiste, dites-nous comment vous avez entamé votre métier de guitariste.

J’ai commencé très jeune. A l’époque, j’avais entre 10 et 12 ans. Seul, j’ai commencé par fabriquer ma guitare. Avec les bidons et les câbles de frein des vélos, nous fabriquons nos guitares et nous jouons. Dans le quartier, nous avons un aîné qui est maître de cet instrument. Ensemble, nous jouons des morceaux. Dans le quartier, j’ai évolué dans quelques groupes. C’était un groupe de jeune et nous jouons souvent dans l’après-midi. Parce qu’après l’école, nous nous faisons beau pour le concert et nous jouons de 14heures à 18heures. En ce moment-là, nous étions comme des amateurs. Après ce groupe, j’ai rejoint d’autres groupes. Après, je me suis retrouvé en Europe où j’ai joué avec le groupe Lokéto. Je suis allé en Belgique pour mes études. En ce moment-là, nous avons formé un groupe d’étudiant, mais cela n’a pas duré dans le temps. C’est dire que nous n’avons rien fait. Après, je suis allé à Paris pour d’autres aventures. Depuis plusieurs années, j’évolue avec mon groupe “Matchatcha”.

 

Quel est l’artiste qui a suscité en vous l’amour pour la guitare ?

A l’âge de 10ans ou plus, j’essaie de jouer la musique avec ma guitare. J’ai un oncle qui faisait déjà la musique. Il était chanteur et de temps en temps, il venait à la maison avec une guitare et me sollicitait afin que je l’accompagne dans ses répétitions personnelles. J’avais fait la batterie aussi, mais j’ai vite laissé pour revenir à la guitare. Par ailleurs, la guitare est l’instrument le plus privilégié. Beaucoup de figures nous ont influencé à l’époque.

 

Quel est le plus grand souvenir que vous gardez de votre parcours musical ?

J’ai beaucoup de souvenir. Le plus important est le concert à New-York, au Central Parck. Ce n‘est pas donné à n’importe qui de jouer de cet endroit-là. Ce sont les grands artistes et les plus connus qui jouent là. J’ai joué devant un public de plus de 80 mille personnes. Cela a fait aussi que le monde m’a remarqué un peu. Je n’oublie pas aussi mon expérience au stade kényan. C’est aussi un moment de concert qui m’a marqué. Lorsque tout le monde crie, cela donne comme impression que c’est un but marqué lors d’un match et cela donne la chair de poule.

 

Le Congo est un pays qui est connu musicalement par la rumba et autres variétés. Vous, pourquoi avoir choisi de faire le Soukous ?

Avant, c’était la rumba. Lorsque nous sommes arrivés à Paris, nous avons des musiciens comme San Banguana et Pamélo. Dès notre génération, à cette époque-là. Ce style de musique ne vient pas de nous-mêmes. Nous avons été invités pour faire de la musique. Ce que nous avons proposé au producteur ne lui avait pas plu. Après un premier enregistrement, il a coupé les autres et nous fait juste écouter le refrain de notre chanson. Selon nous, c’était perdu d’avance. En ces moments, les gens ont besoin de danser et il fallait proposer quelque chose dans ce sens. Et donc, c’est lui qui a commencé le soukous. Et c’était à Floride. Il a mis la deuxième partie de notre composition et c’est parti comme une bombe. Selon lui, ceux de cette région n’aiment pas trop les paroles. Ils s’intéressent beaucoup plus aux beats qui font danser. C’est donc partir de là et le monde entier a pris.

 

Au début de ce soutien, qu’est-ce que cela vous a donné comme confiance ?

La confiance, c’est déjà lorsque l’on vous appelle pour donner des concerts en Amérique, en Colombie et un peu partout. C’est aussi une preuve que les gens aiment ce que vous faites. J’ai beaucoup voyagé et c’est cela qui est bien.

 

Pensez-vous que la jeune génération congolaise garantit un meilleur avenir en ce qui concerne la musique ?

Il y en a qui font un bon travail, mais il y en a de mauvais aussi. Vu que je ne les côtoie pas vraiment, je ne saurais dire grand-chose. Je sais qu’il y a la génération consciente qui relève le défi et donne toujours de la valeur à la musique congolaise. Pour ceux qui ne s’y adonnent pas vraiment, je ne pense pas qu’ils feront un long chemin comme nous. Parce que nous, en sortant dans la musique, nous avons eu le privilège de jouer avec nos anciens. Nous avons acquis certaines expériences et cela nous a fait grandir. Aujourd’hui, lorsque la jeunesse sort un single, il le met sur YouTube. Tout le monde en parle un peu partout et peu de temps après, cela devient un oubli. C’est donc éphémère. Ils n’ont pas eu le temps de se faire former comme cela se doit. C’est bien d’avoir des expériences et de grandir avec. Il y a en qui travaillent, mais cela ne va pas loin.

 

Avez-vous un conseil à l’endroit des jeunes ?

Je demande aux jeunes de beaucoup travailler. Il n’y a pas de miracle. Il faut travailler, avoir de la patience et celui qui fait bien, arrivera toujours au bout. Vouloir, c’est pouvoir et si l’on aime la musique, il faut faire comme cela se doit. Si quelqu’un est là pour s’amuser avec les femmes et autres, cela ne paie pas beaucoup. Surtout qu’aujourd’hui, c’est deux fois plus difficile que lorsque nous, nous avons commencé. Nous n’étions pas nombreux en notre temps. Le plus important est de se faire entourer de bonnes personnes. La musique est un travail d’ensemble.

 

Est-ce à dire que selon vous, il est nécessaire d’aller à une école de musique avant de se faire une carrière dans ce domaine ?

Pas forcément. La musique est une chance et je dis toujours cela. Ce n’est pas parce que l’on fait des études supérieures en musique que l’on sort en tant qu’un grand musicien ou artiste. Avoir une inspiration et chanter, c’est le bon Dieu qui donne. Par exemple, dans le titre “Premier Gaou”, il n’y a rien. Il y a des accords et tout, mais cela fait danser. Cela paraît bizarre. C’est une magie dont tout le monde ne possède pas la potion. Dans le cas contraire, tout le monde aurait des disques d’or.

 

Aujourd’hui, combien de jeunes artistes avez-vous à vos côtés et qui constituent la relève de demain ?

Il y en a beaucoup. Que cela soit en Afrique ou en Europe, il y a beaucoup de jeunes artistes qui marchent avec moi. Dans mon groupe, presque tous les musiciens sont des jeunes. Mes danseuses aussi sont des jeunes. Il y en a qui ont l’âge compris entre 18 et 20ans. Sauf les guitaristes qui sont un peu âgés et les basistes qui sont de ma génération.

 

Qu’elle est l’actualité de Diblo Dibala ?

Dès mon retour à Paris, je vais travailler et finaliser mon album qui est en cours. D’ici mars, il sera disponible et je ferai de mon possible pour envoyer des disques au Bénin. Après cet album, je vais participer à un festival au Canada et nous verrons le reste.

Donnez-nous un avant-goût de votre prochain album.

Il sera très bien. Sur cet album, il y aura un rythme que les gens écoutent bien là-bas. Il y aura aussi le soukous, comme d’habitude. De même, je vais rester aussi dans la tendance. Parce que, si l’on reste trop dans la tendance, il y a 20ans, on passe inaperçu. Les gens diront qu’il fait la même chose depuis 20ans. Nous essayons de faire un clin d’œil à ce que les jeunes font. Il n’y a rien de compliqué. Juste une grosse batterie et faire danser comme il le faut. Il fut un week-end où je suis allé en boîte. Au moment où les autres dansaient, moi, j’écoutaient la musique et j’essaie de comprendre ce que les gens trouvent de bon dans une telle ou telle chanson. Heureusement, le Dj a passé mon titre “Laissez passer” et ils ont dansé aussi. Mais je trouve que tout se ressemble. Lorsque que j’écoute les américains et autres, il n’y a presque rien. Aujourd’hui, la musique n’est plus comme avant où l’on utilise beaucoup d’instruments. Maintenant, c’est deux, trois ou quatre instruments et le tout est joué. Maintenant, il y a de moins en moins de guitare.

 

Peut-on dire, aujourd’hui, que la musique se développe toujours ?

Je ne sais pas si l’on peut parler de développement. C’est juste un courant qui arrive et qui change, mais ce n’est pas réduit. A certaines époques, c’est la rumba qui vient, après c’est n’ndombolo, coupé décalé et ainsi, tout change. Mais la guitare ne peut jamais disparaître de la musique.

 

Quel est votre mot de fin ?

 

J’ai aimé mon séjour à Cotonou et si tout va bien, je souhaite revenir l’année prochaine. Je prie pour que tout aille bien. J’ai beaucoup aimé l’accueil et je souhaite retrouver encore mes fans l’année prochaine sur ce même festival.