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Pour une Guinéenne icône de la contestation, vivre avec la peur et ses blessures

Fatoumata Bah est devenue contre son gré l'un des visages de l'agitation qui continue à secouer la Guinée à la…

Fatoumata Bah est devenue contre son gré l’un des visages de l’agitation qui continue à secouer la Guinée à la veille d’un référendum contesté. Utilisée comme bouclier par les policiers, elle aimerait passer à autre chose, mais tout la ramène à cet épisode devenu viral sur les réseaux sociaux.

Cette femme de 27 ans, mère de cinq enfants, est l’héroïne malgré elle d’une vidéo visionnée des centaines de milliers de fois. Le document a provoqué l’indignation et conforté les accusations d’abus qui s’abattent de longue date sur les forces de sécurité.

C’était le 29 janvier à Wanindara, dans la banlieue de Conakry. La capitale et le reste du pays étaient en proie à la contestation contre le projet prêté au président Alpha Condé de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat. La mobilisation, qui a coûté la vie à au moins 30 civils et un gendarme, se poursuit alors que le pouvoir appelle les Guinéens à se prononcer dimanche sur une nouvelle Constitution, et à renouveler leur Parlement.

Depuis mi-octobre, la Guinée est le théâtre de manifestations massives, de journées villes mortes et d’affrontements entre jeunes lanceurs de pierres et policiers et gendarmes.

Fatoumata Bah, habitante de Wanindara, un bastion de l’opposition et foyer de contestation, s’est retrouvée prise dans le tumulte.

Dans son salon exigu où règne une chaleur étouffante, la jeune femme frêle et droite se lamente. Elle, la marchande, ne travaille plus depuis un mois après avoir subi une entorse de la cheville dans l’incident. Elle a peur: des représailles des policiers, pour ses enfants…

« Ca me ronge le coeur depuis le jour où j’ai été victime de cet acte barbare », dit-elle en peul, sa langue.

Elle reste enfermée. « Quand je sors, on me montre du doigt, et mes enfants aussi. On dit: +Voilà la femme qui a été prise comme bouclier+. Ca me fait très mal au fond de moi et c’est une page de ma vie que j’ai envie de tourner maintenant, pour revivre une vie normale », dit-elle.

Elle raconte que ce jour-là, elle était sortie voir le fils d’une collègue qui avait été blessé. Elle s’est retrouvée confrontée à des policiers qui ont refusé de la laisser partir parce que, selon eux, ce sont les enfants des femmes du quartier qui les affrontent.

– La rage au coeur –

La vidéo, qui a été tournée semble-t-il d’une maison voisine et dont l’authenticité n’a été contestée par personne, montre quatre policiers casqués faisant apparemment face à de jeunes lanceurs de pierres.

L’un des policiers avance au-devant des émeutiers en poussant une femme devant lui, contre son gré. Quelques cailloux et projectiles anti-émeutes sont échangés, jusqu’à ce que les policiers battent précipitamment en retraite devant une charge des jeunes. Le policier emmène la femme, paraissant à un moment la traîner au sol.

Fatoumata Bah relate que c’est l’attaque des enfants qui a forcé les policiers à la relâcher.

Les défenseurs des droits humains ont vu dans l’affaire un sommet des abus policiers. Ils fustigent régulièrement l’impunité dont bénéficient selon eux les services de sécurité et que démentent les autorités.

La police a annoncé l’arrestation du principal auteur, le brigadier Mamadou Lamarana Bah, sans lien avec la victime. Le commandement de la police a assuré qu’il serait sanctionné de manière exemplaire, sans qu’on sache si cet engagement a été tenu. Les autorités ont même présenté des excuses.

Les plaintes donnent systématiquement lieu à enquête, répètent-elles.

Mais Fatoumata Bah dit ne pas avoir confiance dans la police. Deux personnes ont été tuées dans le quartier depuis la vidéo, affirme-t-elle. Elle redoute même des représailles tant le scandale a été grand.

Elle craint pour ses enfants. Depuis le 29 janvier, ils ont la rage au coeur.

« Quand il y a un appel à manifester je n’arrive pas à les retenir à la maison. Ils ne pensent qu’à sortir pour affronter ceux qui m’ont brutalisée, pour me venger de ce que j’ai subi. Et je ne veux pas perdre mes enfants ».

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