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L’ex-président angolais échappera-t-il au grand ménage anticorruption ?

Son fils Jose Filomeno pointe depuis deux mois dans le box des accusés d'un tribunal pour avoir vidé 500 millions…

Son fils Jose Filomeno pointe depuis deux mois dans le box des accusés d’un tribunal pour avoir vidé 500 millions de dollars des caisses de l’Angola. Et sa milliardaire de fille Isabel vient d’être inculpée pour en avoir détourné au moins le double.

Mais, loin de ce fracas politico-judiciaire, l’ex-président Jose Eduardo dos Santos, 77 ans, coule une retraite paisible en Espagne.

S’il est accusé d’avoir largement livré les ressources nationales à la cupidité d’une poignée de proches, le maître absolu du pays pendant trente-huit ans a échappé à l’opération « mains propres » menée par son successeur Joao Lourenço.

Au moins provisoirement.

« S’attaquer à dos Santos lui-même serait politiquement très risqué », explique l’analyste Paula Cristina Roque, de l’université britannique d’Oxford. « Ses enfants ne disposent que de peu de soutien au sein du MPLA (le parti au pouvoir) », note-t-elle, « mais c’est une toute autre histoire avec lui ».

A son arrivée au pouvoir en 2017, la volonté manifestée par Joao Lourenço d’éradiquer la corruption qui gangrène le deuxième producteur de pétrole du continent africain n’a guère suscité que des haussements d’épaules.

Le MPLA au pouvoir, l’opposition et la population n’ont alors vu dans les propos de l’ex-ministre de la Défense que des promesses de campagne sans importance.

Alors c’est peu de dire que le limogeage systématique des patrons d’entreprises publiques, hauts fonctionnaires ou militaires proches de l’ancien régime a déstabilisé l’establishment angolais.

Symboles du système népotique reproché au père dos Santos, ses enfants n’ont pas été épargnés.

– « Persécution » –

Un temps patron du puissant fonds souverain du pays, Jose Filomeno a été arrêté et emprisonné six mois. Il risque désormais plusieurs années de prison.

Première femme milliardaire d’Afrique, sa demi-sœur Isabel a été débarquée de la tête de la compagnie pétrolière nationale Sonangol, ses avoirs angolais ont été gelés et elle vient d’être inculpée d’une flopée de crimes financiers.

Le mois dernier, une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a enfoncé le clou en accusant Mme dos Santos, preuve de ses montages financiers à l’appui, d’avoir « siphonné les caisses » du pays.

De son exil forcé de Londres et Dubaï, celle que les Angolais ont baptisée la « Princesse » nie et crie à la « persécution » politique.

Avec elle, les critiques de Joao Lourenço ont relevé que certains proches de l’actuel chef de l’Etat, à commencer par l’ancien vice-président Manuel Vicente, avaient été opportunément oubliés par les juges.

Le porte-parole du procureur général, Alvaro Joao, dément toutefois tout traitement de faveur.

« Le parquet s’intéresse à ces deux enfants (…) car il a mis au jour leur mauvaise gestion des deniers publics », justifie M. Joao, en rappelant que bien d’autres potentats ont eux aussi subi les foudres de la justice angolaise.

Sélectif ou pas, le grand nettoyage opéré par Joao Lourenço bénéficie en tout cas d’un large soutien dans le pays.

– Son heure viendra –

« La corruption est un mal qui corrompt la société angolaise depuis la mise en place du régime (du MPLA en 1975) », rappelle l’avocat Salvador dos Santos, à la tête d’une ONG. « Au plus haut niveau (de l’Etat), personne ne vit de son salaire ou de revenus légaux, tout n’est que triche et fraude ».

Dans ce pays resté un des plus pauvres de la planète malgré sa manne pétrolière, la rue non plus ne cache pas sa satisfaction de voir tomber la famille dos Santos.

« Je n’ai pas de mots pour qualifier Isabel », lâche le mécanicien Tayson Madrugada, 20 ans, dans son garage de la capitale. « Elle s’est servie de notre pays et a fait des affaires qui n’ont pas créé d’emplois pour les jeunes d’ici ».

Le parquet affirme aujourd’hui ne pas envisager de s’attaquer à Jose Eduardo dos Santos.

« A l’heure actuelle, il n’existe pas de preuve suggérant que l’ex-président ait commis d’infraction », assure Alvaro Joao. En rappelant que M. dos Santos reste constitutionnellement protégé de toute poursuite criminelle par son statut jusqu’en 2022 – cinq ans après la fin de son mandat.

Inlassable pourfendeur des turpitudes de l’ex-famille régnante, le journaliste Rafael Marques veut croire que, passée cette date, le chef tombera lui aussi dans les mailles du filet.

« Beaucoup de ceux qui ont déjà été inculpés l’ont cité », détaille-t-il, « des enquêtes sont en cours (…) il va devoir répondre à certaines questions ».

C’est ainsi le cas dans « l’affaire » Jose Filomeno, où l’ancien gouverneur de la Banque centrale Valter Filipe da Silva, lui aussi sur le banc des accusés, a expliqué avoir utilisé les fonds détournés sur ordre de l’ancien chef de l’Etat.

« Dos Santos n’échappera pas à la justice, son heure viendra », assure Rafael Marques, « la seule question est de savoir si sa santé ne le trahira pas d’ici à 2022 ».

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