L’ONG Amnesty International appelle les autoritĂ©s ivoiriennes Ă libĂ©rer « sans condition » l’opposant Affi Nguessan et des personnes dĂ©tenues pour avoir exercĂ© leurs droits fondamentaux dans le cadre du scrutin prĂ©sidentiel, dans un communiquĂ©.Les autoritĂ©s ivoiriennes  « doivent libĂ©rer immĂ©diatement et sans condition Pascal Affi N’Guessan et toutes les personnes dĂ©tenues uniquement pour avoir exercĂ© leurs droits fondamentaux », a indiquĂ© l’ONG Amnesty International dans un communiquĂ© de presse. Â
Amnesty invitĂ© toutefois l’Etat de CĂŽte d’Ivoire à « s’engager Ă crĂ©er un espace oĂč les citoyen·ne·s peuvent exprimer librement leurs opinions et manifester pacifiquement, sans crainte d’ĂȘtre arrĂȘtĂ©s, agressĂ©s ou tuĂ©s. »Â
Le leader de l’opposition Pascal Affi N’Guessan, prĂ©sident du Front populaire ivoirien (FPI), le parti fondĂ© par Laurent Gbagbo, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans la nuit du 6 novembre et « dĂ©tenu au secret jusqu’au 9 novembre », rapporte le communiquĂ©. Â
« Durant ces quelques jours, il n’a pas pu communiquer avec sa famille ni son avocat ». Et, Pascal Affi N’Guessan, visĂ© par 30 chefs d’accusation, notamment « attaque et complot contre l’autoritĂ© de l’Ătat, assassinat et actes de terrorisme », a affirmĂ© qu' »il n’avait pas vu la lumiĂšre du jour pendant 60 heures », souligne l’ONG de dĂ©fense des droits de l’Homme.
L’ONG continue pour insinuer que son avocat n’a rĂ©ussi Ă le voir que lors de sa comparution devant le juge le 9 novembre. Depuis, ni son avocat ni sa famille n’ont pu entrer en contact avec lui. Les autoritĂ©s doivent lui permettre de communiquer avec son avocat.
Selon Amnesty International, il a Ă©tĂ© fait « usage de machettes et d’armes Ă feu » lors des violences Ă©lectorales en CĂŽte d’Ivoire,  ce qui « tĂ©moigne de l’horreur des violences post-Ă©lectorales ».Â
L’organisation note des dizaines de personnes tuĂ©es depuis l’Ă©lection du 31 octobre,  des centaines de blessĂ©s lors d’affrontements et des dizaines de membres de l’opposition arrĂȘtĂ©s dont le leader de l’opposition Pascal Affi N’Guessan, dĂ©tenu au secret.Â
« Les autoritĂ©s en CĂŽte d’Ivoire doivent enquĂȘter sur l’homicide de dizaines de personnes tuĂ©es Ă coups de fusils, de pistolets et de machettes depuis l’Ă©lection prĂ©sidentielle » du 31 octobre 2020, a dĂ©clarĂ© Amnesty International le 16 novembre 2020.
Des tĂ©moins, selon Amnesty, ont racontĂ© les scĂšnes de violences post-Ă©lectorales dans le cadre d’affrontements croissants entre des sympathisants de l’opposition et du parti au pouvoir depuis le 31 octobre.Â
« Dans certains cas, les forces de sĂ©curitĂ© ont Ă©tĂ© submergĂ©es, incapables de faire barrage aux violences imputables aux deux camps », poursuit le communiquĂ© de l’organisation de dĂ©fense des droits de l’Homme.
« Nous demandons aux autoritĂ©s ivoiriennes d’enquĂȘter sur ces violences sanglantes et de traduire les responsables prĂ©sumĂ©s de ces agissements en justice. L’impunitĂ© qui rĂšgne de longue date en CĂŽte d’Ivoire offre un terreau fertile Ă ceux qui se livrent Ă des homicides et bafouent les droits humains sans craindre d’ĂȘtre amenĂ©s Ă rendre des comptes, a dĂ©clarĂ© Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale Ă Amnesty International.
« C’est la deuxiĂšme fois en 10 ans que des Ă©lections en CĂŽte d’Ivoire sont Ă©maillĂ©es de violences. Il faut prendre sans dĂ©lai des mesures afin de protĂ©ger la population et faire clairement savoir que ces meurtres ne resteront pas impunis », a-t-elle fait observer.Â
Des violences ont Ă©clatĂ© dans plusieurs villes du pays Ă l’approche de l’Ă©lection prĂ©sidentielle et se sont prolongĂ©es aprĂšs le scrutin. Selon le Conseil national des droits de l’homme, entre le 31 octobre et le 10 novembre, le bilan s’Ă©lĂšve Ă 55 morts et 282 blessĂ©s, mentionne le texte.Â
En outre, les violences se sont intensifiĂ©es dans le centre de la CĂŽte d’Ivoire, notamment dans les villes de Mbatto, Elibou et Daoukro. Ă Mbatto, entre le 9 et le 10 novembre, une manifestation de l’opposition s’est soldĂ©e par au moins deux morts et des dizaines de blessĂ©s, dont cinq se trouvent dans un Ă©tat critique, d’aprĂšs les informations reçues par Amnesty International, poursuit le communiquĂ©.Â
Un tĂ©moin a expliquĂ© Ă Amnesty International  que des personnes « ont commencĂ© avec des pierres, puis des machettes et finalement on a entendu des coups de fusil », avant d’ajouter « nous avons Ă©tĂ© violemment agressĂ©s ».
« Ils ont commencĂ© Ă mettre le feu, Ă saccager et Ă nous tirer dessus. Les gendarmes qui se trouvaient au milieu pour disperser la foule avec des gaz lacrymogĂšnes se sont dĂ©couragĂ©s. Nous nous sommes retrouvĂ©s livrĂ©s Ă nous-mĂȘmes », a laissĂ© entendre le tĂ©moin.Â
Selon un autre tĂ©moin, au moins 24 personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es par armes Ă feu les 9 et 10 novembre. Cinq se trouvaient dans un Ă©tat critique et n’ont pas pu ĂȘtre Ă©vacuĂ©es en raison des violences. « Nous n’avons jamais vu ça, habituellement les gens prennent des machettes, mais cette fois-ci, ils avaient tous des armes Ă feu », a-t-il dĂ©clarĂ©.
Par ailleurs, Amnesty International relĂšve avoir constatĂ© l’arrestation de dizaines de membres de l’opposition en marge de l’Ă©lection, aprĂšs que l’opposition a appelĂ© Ă la dĂ©sobĂ©issance civile, Ă boycotter le scrutin, Ă crĂ©er un Conseil national de transition et Ă rejeter la rĂ©Ă©lection du prĂ©sident Alassane Ouattara.
« Le 3 novembre, 21 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es de maniĂšre arbitraire au domicile du leader de l’opposition Henri Konan BĂ©diĂ©, et cinq se trouvent toujours en dĂ©tention » dont Maurice GuikahuĂ©, numĂ©ro deux du Parti dĂ©mocratique de CĂŽte d’Ivoire (PDCI), affirme Amnesty.
Cette vague d’arrestations d’opposants politiques fait suite Ă une autre sĂ©rie d’arrestations un peu plus tĂŽt cette annĂ©e. En aoĂ»t, Amnesty International a signalĂ© une vague d’arrestations visant des dissident·e·s politiques.Â
L’ONG note en outre que entre le 13 aoĂ»t et le 25 octobre, au moins 41 personnes ont Ă©tĂ© interpellĂ©es Ă Abidjan, Korogho, Toumodi et AlepĂ© pendant qu’elles manifestaient ou aprĂšs avoir appelĂ© Ă manifester. Il s’agit entre autres de cinq membres du parti d’opposition GPS, arrĂȘtĂ©s le 13 aoĂ»t alors qu’ils se rendaient Ă une manifestation.